C'était une gourmande invétérée... Ça a commencé presque tout de suite, quand Parnelle n'était encore qu'un chaton minuscule. Lorsque nous étions assis sur la banquette, la moindre friandise qui circulait éveillait sa curiosité et son désir d'y goûter: chocolat, glaces, biscuits, brioches, tout ce que ma femme et moi pouvions grignoter en regardant la télé ou un film.
Avec le recul, je pense que toute sa vie elle a dû avoir des problèmes avec son appareil digestif car elle avait sans cesse la fringale. Ce qui me fait dire ça, c'est que non seulement elle s'est comportée en chasseuse de choc, capturant et dévorant souvent tout ce qui bougeait, rampait ou volait mais aussi son parcours médical. Elle vomissait plus que d'ordinaire, les chats se "purgent" dit-on et il n'est pas rare de trouver de temps à autre dans le jardin ou la maison des traces de ces renvois mais chez elle, c'était assez fréquent et abondant et ça s'est aggravé au cours des trois ou quatre dernières années de sa vie.
Vers l'âge de six ans, elle a fait un épisode pénible (elle ne pouvait plus rien boire ni manger sans vomir) avec des séjours successifs en clinique, elle a été soignée sans que les vétos puissent établir une pathologie précise. Des années plus tard, vers ses douze ans, alors que la recherche de nourriture tournait à l'obsession, un de ses docteurs explora sans succès la piste d'un dérèglement thyroîdien...mais je m'égare et je consacrerai un autre post à ses soucis de santé et son historique clinique.
Les gourmandises donc... vaste programme et menu à rallonge. Ça pouvait être aussi bien une grosse araignée sortie de sa cachette un jour de grosse chaleur qu'un petit bout de biscuit. Dans sa dernière demeure, elle prit très vite l'habitude d'occuper une position stratégique au cours de nos repas. Assise sur le bar américain, juste à côté de notre table, observant et épiant le moindre de nos gestes.
Elle apprenait très très vite et selon ce qui se présentait, ses réactions variaient et en disaient long sur son envie. Ainsi, la boîte à fromages est rapidement devenue la boîte aux trésors, dès que je la sortais du frigo, elle se levait, s'agitait puis descendait vers son assiette dans l'attente de quelques succulentes lichettes. Elle avait un faible pour les fromages de brebis, roquefort inclus, sans doute les trouvait-elle plus goûteux mais une boulette de Vache qui Rit ou de gruyère lui convenaient bien également.
Le paquet de beurre était encore plus populaire et déclenchait de nombreux miaous et encore plus de mouvements. Enfin, comme elle était fine observatrice, à la façon que j'avais sans doute de positionner mes mains (ou bien lisait-elle mes pensées??) elle anticipait le moment où prenant couteau et fourchette j'allais lui découper quelques morceaux de poulet, de jambon ou de mon escalope de veau... Tous ses aliments avaient pour elle (enfin pour nous en fait) des noms idiots le "pouletus", le "jambonus", le "naourt" et autres bêtises.
Elle adorait les glaces et tournait sans cesse autour de mon épouse jusqu'à ce que de guerre lasse, elle lui fasse lécher un peu de vanille ou de chocolat blanc. Elle était très déçue lorsque la glace était un sorbet ou une glace à l'eau saveur citron ou orange. L'acidité sans doute... mais il fallait qu'elle renifle au moins pour être bien sûr que cet objet ayant la même forme et la même fonction (être dégusté par sa maîtresse) n'était cette fois pas comestible comme la vanille ou le chocolat. Elle boudait dans ces cas-là en faisant sa tête de ronchon.
Son attirance pour nos aliments de confort et petites gâteries réservait quelques surprises. Un jour ma femme a laissé traîner sur la table une barre de pâte d'amande. C'était il y a longtemps, Parnelle devait avoir deux ans à peine et nous n'étions pas encore convaincus de sa vorace gourmandise ou de sa gourmande voracité. De retour du jardin, la barre de pâte d'amande bien épaisse et bien verte avait diminué de moitié et Parnelle, assise au pied de la petite table, se léchouillait les pattes et les babines d'un air satisfait... Je doute que la pâte d'amande fasse partie des recommandations diététiques du chat, nous avons donc été plus prudents par la suite.
Je raffole du lait concentré et j'en consommais des tubes entiers chaque semaine. Bien évidemment, mademoiselle observant son maître porter ce gros machin à sa bouche, elle a fini par se dire "et moi, et moi, et moi...". La petite gougoutte de lait concentré sur le doigt est donc devenue une friandise occasionnelle. Mais j'avais intérêt à en consommer en douce et en cachette car la minoune en aurait bien pris davantage. Chaque fois que j'ouvrais le placard aux sucreries, elle accourait et contrôlait pour voir si je prenais ou non un de ces tubes délicieux.
Ah, elle adorait la soupe aussi, surtout le velouté Knorr aux carottes et à la crème fraîche. Il fallait qu'elle inspecte et vérifie tout ce qu'on mangeait et avec elle, pas besoin d'aspirateur de table, pas une miette de pain n'échappait à sa petite langue râpeuse avec laquelle elle aimait tellement recueillir sur le bout de mon doigt sa petite lichette de yaourt, de beurre ou de lait concentré.
Ma petite gourmande me manquera toujours et je ne sais pas si un jour je me remettrai vraiment au lait concentré. J'en ai bien repris quelques fois mais sans elle pour m'espionner puis passer au rituel du "bon, rien qu'une goutte, allez viens sur la banquette etc...", je n'ai plus trop le cœur à ça... |