Bonjour Marie,
Tout d'abord, ne soyez pas désolée, vous ne cassez pas l'ambiance. Vous êtes dans la douleur, nous le sommes ou l'avons toutes et tous été. Un jour, je vous le souhaite de tout coeur, vous retrouverez la sérénité, vous cesserez de culpabiliser, de penser que vous n'avez pas agi au mieux, pour lui comme pour vous. Vous serez en paix avec vous-même, et les bons moments se rappelleront à votre mémoire. Pour ce qui est des histoires d’amour, je pense qu’elles restent toujours inachevées, avec en plus le goût de l’amertume quand le défunt est jeune.
Les animaux n'ont pas le même rapport à la mort que nous. Nous, humains, encore que cela dépende des cultures, en faisons toute une affaire, parce que nous savons que cela signifie être séparés à jamais, ne plus avoir l'autre à nos côtés, ne plus jamais rien partager. Nous vivons après avec des regrets, pensant n'avoir pas dit ou fait ce qu'il fallait. Mais pouvons-nous savoir de quoi demain sera fait ? Nous vivons après en nous posant maintes questions, nous reprochant telle ou telle chose. Notre rapport à la mort est compliqué aussi par les questions que nous nous posons quant à l’éventuelle existence d’un au-delà . Existe-t-il une vie après la mort, pourrons-nous continuer à communiquer, à garder un lien avec les défunts, veilleront-ils sur nous, nous pardonneront-ils, pourrons-nous à nouveau vivre, rire et aimer sans nous sentir coupables de trahir leur mémoire... Nos croyances, nos quêtes, nos questions nous pourrissent finalement la vie. Il ne peut y avoir de vie sans mort, il ne peut y avoir de mort sans vie. Reste le chagrin, l’absence avec laquelle il faut composer, l’injustice de la vie, la faute à la Grande Faucheuse qui emporte les jeunes comme les vieux.
Les animaux, eux, ont la chance de ne pas se torturer l'esprit avec toutes ces choses. Pour eux, il existe un "avant" inconscient et le "maintenant". Prenons l'exemple d'un animal qui a été battu : dans certaines circonstances, il réagira en ayant peur d'être à nouveau battu, parce qu'il a déjà connu ça, quand bien même son "maintenant" ne serait rien d'autre que du bonheur. Pour prendre un exemple concret, prenons Yang, ma fifille, que j’ai adoptée en février 2012 dans un refuge SPA. Je sais, parce que le refuge l’avait écrit sur leur fiche, que son frère (mon amour de Ying décédé dernièrement) et elle avaient été récupérés dans la rue quand ils étaient chatons, mais je ne sais ni si c’est par une association ou par des particuliers, puis ils ont été abandonnés au refuge pour « allergie », ensuite adoptés par un couple dont la femme était dépressive dans l’espoir qu’ils l’aident à aller mieux (ça je l’ai su par une salariée du refuge qui nous l’a dit) et sont revenus au refuge, et là , ma mère et moi les avons adoptés. Plus tard, j’ai envoyé par mail quelques photos d’eux au refuge pour donner de leurs nouvelles, et une personne du refuge m’a répondu que cela faisait plaisir de voir autant de bonheur après une première adoption plutôt traumatisante. J’ai demandé si on pouvait m’en dire plus mais je n’ai pas eu de réponse. Qu’importe. C’est vrai que quand je suis allée les adopter, je n’ai pas pensé à poser des questions, je ne sais même pas depuis combien de temps ils étaient au refuge, mais je venais de perdre ma Nénette et j’étais dans le chagrin. Voilà tout ce que je sais du passé de mes loulous, qui n’avaient pas 4 ans lorsqu’ils sont arrivés chez nous. Qu’ont-ils vécu, je ne le sais pas, toujours est-il que si Ying était un gros matou qui s’est senti immédiatement chez lui et en confiance, Yang, elle, reste craintive. Au moindre mouvement un peu brusque, même si le geste n’est pas fait à côté d’elle ou dans sa direction, elle prend la fuite. A-t-elle été frappée, a-t-on crié après elle, je ne sais pas, mais il s’est forcément passé quelque chose dans son passé, dans son « avant ». Son « maintenant » a beau être fait de bonne nourriture, de confort, d’amour et de câlins, son « avant » ressurgit dans certaines situations. A nous de faire que ces situations soient aussi rares que possible.
Mais, comme tout animal, elle ne vit pas en se demandant de quoi demain sera fait. Demain n’existe pas pour les animaux, demain n’existe que pour les humains. Par demain, il faut entendre le jour suivant comme les semaines, les mois et les années à venir, mais aussi le moment qui va être à vivre, quand bien même celui-ci n’arriverait que dans les minutes à venir. L’animal vit dans le présent, le moment qu’il est en train de vivre. Ceci pour dire que Flocon était dans le présent, c’est-à -dire dans le moment où il était chez le vétérinaire, probablement inquiet car ce n’est pas un lieu que les animaux apprécient, mais il ne se projetait dans le « demain », soit les minutes à venir et où sa vie allait prendre fin. Il a pu aussi ressentir le stress et le chagrin de sa « maman », car les animaux ressentent très bien tout ça, mais en aucun cas il n’a pu avoir conscience de ce qu'il allait advenir. Et ne pouvant le savoir, il ne pouvait vous en vouloir que de l'avoir amené dans ce lieu qu'il n'aimait pas.
J’ai accompagné ma Nénette, puis dernièrement mon Ying, en essayant d’être le plus sereine possible. Malades, ils n’avaient pas besoin que j’en rajoute, j’ai donc fait en sorte d’être comme d’habitude avec eux, enfin, autant que faire se peut. Pour Nénette, l’euthanasie n’était pas programmée, je l’accompagnais aux urgences pour une laparotomie. Je lui disais que le docteur allait lui faire une piqûre, qu’elle ferait un gros dodo, que le docteur allait regarder ce qui lui faisait du mal, et que quand elle se réveillerait, elle n’aurait plus mal. Evidemment, c’était avant de savoir que c’était un cancer du foie et qu’elle était condamnée. A l’annonce du diagnostic, bien sûr, pas question de la réveiller. Pour Ying, ça s’est passé autrement (voir post « Yang a perdu son Ying », je n’ai pas la force d’en reparler). Pendant les quelques dernières heures qu’il a passé à la maison, je le caressais en lui disant qu’on allait bientôt aller chez la docteure des chats, et que bientôt, grâce à une piqûre magique comme elle lui en avait déjà fait, ça irait mieux.
Dans les deux cas, j’ai eu la chance, si l’on peut dire, de n’avoir pas eu à vivre une longue période pendant laquelle il m’a fallu accompagner mon animal malade, avec l’espoir qu’il s’en sorte. Pour Nénette comme pour Ying, ce fut certes brutal, mais rapide. Je n’ai pas fait d’autres photos d’eux, j’avais déjà celles des jours heureux. Mais pour l’un comme pour l’autre, j’ai pris juste une dernière photo, une fois qu’ils étaient « endormis », enfin sereins.
Voilà , tout ça n’est pas bien gai non plus, et comme à mon habitude, j’en écris des pages. Mais promis, quand mon cœur sera plus léger, ou à défaut moins lourd, je viendrai vous raconter des petits moments qui nous ont fait, et nous feront à nouveau, un jour, sourire.
Bonne journée à toutes et à tous. Marie-Catherine |